Le chaos engineering : provoquer les failles pour mieux les contrôler

Entreprise de développement informatique

Aujourd’hui, les systèmes informatiques sont marqués par leur complexité. Ainsi,  garantir leur bon fonctionnement en toutes circonstances devient un véritable défi. Les applications modernes s’appuient sur une multitude de microservices, d’APIs, de serveurs cloud, de bases de données et de réseaux. Il suffit qu’un seul maillon de la chaîne faiblisse pour que l’ensemble du système soit impacté. Cette fragilité potentielle soulève une question essentielle : comment s’assurer qu’un système reste résilient face à des défaillances imprévues ?

C’est dans ce contexte qu’est née une approche innovante : le chaos engineering. Popularisée par des entreprises comme Netflix, cette discipline consiste à provoquer volontairement des incidents dans un environnement contrôlé afin d’identifier les failles et de renforcer la robustesse du système. Loin d’être une simple prise de risque, le chaos engineering est devenu un levier stratégique pour tester la capacité d’un service à survivre à des perturbations.

Dans cet article, nous allons explorer ce qu’est concrètement le chaos engineering, ses objectifs principaux, la manière de le mettre en œuvre, les outils disponibles sur le marché, ainsi que les bénéfices et les limites de cette méthode. Une plongée au cœur de l’ingénierie du chaos, au service de la résilience numérique.

Qu’est-ce que le chaos engineering ?

Le chaos engineering est une discipline de l’ingénierie logicielle qui consiste à soumettre intentionnellement un système informatique à des conditions anormales ou dégradées afin d’en tester la résilience. Autrement dit, il s’agit de provoquer des pannes de manière contrôlée pour observer le comportement du système et vérifier s’il continue de fonctionner comme prévu. Cette approche permet d’anticiper les défaillances, d’identifier les points faibles et de renforcer la robustesse globale des infrastructures informatiques.

Le concept a émergé chez Netflix au début des années 2010, à une époque où l’entreprise migrait vers le cloud et utilisait une architecture distribuée. Pour éviter qu’une panne n’impacte des millions d’utilisateurs, les ingénieurs ont développé un outil nommé Chaos Monkey, capable de désactiver aléatoirement des instances de production. L’idée était simple : si un service pouvait survivre à une interruption imprévue, il était considéré comme suffisamment robuste pour affronter les aléas du réel.

Le chaos engineering se distingue des tests traditionnels. Là où ces derniers vérifient que le système fonctionne selon un scénario prévu, le chaos engineering cherche à explorer l’imprévisible. Il ne s’agit pas seulement de valider le bon comportement d’un service, mais d’éprouver sa capacité à résister à l’imprévu : coupure réseau, surcharge de trafic, indisponibilité d’un microservice, etc. C’est donc une approche proactive, tournée vers l’amélioration continue de la fiabilité des systèmes complexes.

Les objectifs du chaos engineering

Le chaos engineering ne se résume pas à perturber un système pour le plaisir de semer le désordre. Son ambition est au contraire profondément rationnelle : renforcer la fiabilité et la résilience des infrastructures informatiques. Dans un monde où les pannes peuvent coûter des millions d’euros à une entreprise et entacher durablement sa réputation, il devient essentiel de savoir comment un système réagit sous pression.

L’un des premiers objectifs du chaos engineering est d’identifier les points de défaillance invisibles. Même avec des tests automatisés, des revues de code ou une surveillance active, certaines failles ne se révèlent qu’en situation réelle. En provoquant des anomalies, les équipes peuvent observer les réactions inattendues du système, découvrir des dépendances mal gérées ou encore constater des temps de récupération trop longs.

Ensuite, cette pratique vise à valider les mécanismes de tolérance aux pannes. Les systèmes modernes sont souvent conçus avec des redondances, des backups ou des stratégies de basculement automatique. Le chaos engineering permet de tester concrètement si ces mécanismes fonctionnent comme prévu. Par exemple, si un service tombe, est-ce que le système bascule correctement vers une instance secondaire sans interruption pour l’utilisateur final ?

Un autre objectif fondamental est d’améliorer la rapidité de détection et de résolution des incidents. En exposant régulièrement les équipes à des scénarios de défaillance, on renforce leurs réflexes, leur coordination et leur capacité à répondre efficacement en cas de crise réelle.

Enfin, le chaos engineering a aussi un rôle culturel : il pousse les organisations à adopter une posture proactive face à l’imprévu. Il encourage les développeurs, les SRE (Site Reliability Engineers) et les DevOps à intégrer la résilience dès la conception, plutôt qu’à la subir après coup.

Comment mettre en oeuvre une stratégie de chaos engineering

Mettre en œuvre une stratégie de chaos engineering ne consiste pas à lancer des expériences aléatoires dans un système de production sans filet. C’est une démarche méthodique, qui repose sur une série d’étapes bien définies pour garantir à la fois l’efficacité des tests et la sécurité de l’infrastructure.

La première étape consiste à définir un système stable. Il est crucial de commencer les expériences sur une base saine, c’est-à-dire un environnement dont le comportement est bien compris et dont les métriques de performance sont connues. Cela permet de détecter plus facilement les écarts lors des perturbations introduites.

Ensuite, il faut formuler une hypothèse claire. Par exemple : « Si un service de cache devient indisponible, le système doit continuer à répondre aux utilisateurs en consultant directement la base de données. » Cette hypothèse servira de référence pour interpréter les résultats de l’expérience.

Vient alors le moment de concevoir et exécuter l’expérience. Cela peut impliquer de couper une instance de serveur, d’augmenter artificiellement la latence réseau, de saturer le CPU d’un service ou encore de simuler une perte de connectivité avec une base de données. Chaque perturbation doit être introduite de manière contrôlée et mesurable.

Pendant et après l’expérience, il est essentiel de collecter des données : temps de réponse, taux d’erreur, logs applicatifs, alertes déclenchées, comportement des utilisateurs… Ces éléments permettent de comparer les résultats avec l’hypothèse initiale et d’évaluer si le système s’est comporté de façon résiliente.

Outils et plateformes du chaos engineering

Pour mettre en œuvre le chaos engineering de manière efficace, plusieurs outils ont été développés pour aider les équipes à introduire des perturbations contrôlées dans leurs systèmes. Ces outils permettent de réaliser des tests en environnement de production, en simulant des défaillances spécifiques et en recueillant des données pour analyser les impacts.

Chaos Monkey

Chaos Monkey est l’outil emblématique du chaos engineering, créé par Netflix. Il est conçu pour désactiver aléatoirement des instances de production dans une infrastructure cloud (notamment sur AWS). L’objectif est de vérifier que l’application peut continuer à fonctionner normalement malgré la perte d’un serveur ou d’un service. Chaos Monkey fait partie du plus large projet Simian Army, qui regroupe plusieurs outils visant à tester la résilience des infrastructures.

Gremlin

Gremlin est une plateforme payante qui permet de mener des attaques de chaos sur des systèmes en production. Contrairement à Chaos Monkey, Gremlin offre une interface graphique simple d’utilisation, une plus grande variété de scénarios (perte de réseau, attaque DDoS, etc.) et permet de tester différents types de perturbations. Il inclut aussi des options de sécurité pour garantir que les tests ne causeront pas de dommages irréversibles.

LitmusChaos

LitmusChaos est une plateforme open-source de chaos engineering qui permet d’exécuter des expériences sur des environnements Kubernetes. Elle offre un ensemble complet de scénarios, tels que la perturbation de pods, de volumes de stockage, de ressources CPU, et bien plus encore. Grâce à son approche Kubernetes-native, LitmusChaos est particulièrement adapté pour les infrastructures cloud modernes.

Le Chaos Toolkit

Le Chaos Toolkit est un autre outil open-source qui permet de définir, d’exécuter et d’automatiser des expériences de chaos engineering. Il est basé sur une API et permet d’intégrer facilement des expériences dans des systèmes de CI/CD (intégration continue et livraison continue). Son interface est simple et modulaire, ce qui permet aux équipes de créer des scénarios de tests personnalisés pour leurs besoins spécifiques.

Le chaos engineering s’impose comme une méthode incontournable pour les organisations cherchant à améliorer la résilience de leurs systèmes et à minimiser les risques liés aux pannes en production. En testant activement les infrastructures sous des conditions extrêmes, cette approche permet de découvrir des vulnérabilités qui auraient pu rester invisibles et de renforcer ainsi la fiabilité des services proposés.

Cependant, bien que puissants, ces tests ne sont pas sans risques. Leur mise en œuvre nécessite une planification minutieuse, un environnement de test contrôlé et une surveillance constante pour éviter les impacts négatifs sur les utilisateurs finaux. De plus, le chaos engineering ne remplace pas d’autres pratiques essentielles telles que la gestion des incidents ou la surveillance continue, mais s’y ajoute pour créer une stratégie globale de résilience.

Envie de rejoindre une entreprise IT en plein essor ? Consolidez vos compétences et rejoignez DigitalCook 

Rejoignez-nous